Friday, August 31, 2012

Salt and the Waiuu Indians of Colombia


The following story ends my series of articles on the salt adventure, started on August 12 (A Second Look at Salt). See Blog Archive.

At the northernmost tip of Colombia and South America, the Guajira peninsula juts into the Caribbean Sea like a finger. This hot cactus-studded desert, which sees very little rain, is populated by a tough but easygoing people—the Waiuu Indians.
     The Spanish conquistadors who reached Colombia’s Guajira peninsula in the sixteenth century reported that those Indians traded the salt they extracted from the sea for the gold produced by tribes of the land’s interior. Just like the Moroccans of old, who traded their own salt for sub-Saharan gold. Knowing the conquistadors’ obsession with the precious metal, they probably ended that trade brutally upon discovering it.
     However, at Manaure, a dusty village, the Waiuu today are still producing salt. And as everywhere in the developing world where I have watched salt manually produced, it’s hard work here too, though much less so than in the Sahara and Ethiopia. It also brings the Waiuu little money.
     For a few generations the salt flats have also been exploited industrially by a government company, which buys the Waiuu salt. Manaure fills 65% of Colombia’s salt needs.
     Thanks to a scorching sun, a dry and windy climate, and natural lagoons, Manaure was always a perfect place for that activity. Though some miners work there all year, most of them do so only during the more productive three summer months.
     The rest of the time the Waiuu fish or herd goats. They live in mud houses as well as in flattened cactus huts. And they sleep in hammocks, many of them beautifully woven by women and wide enough to accommodate couples. As in many other parts of the developing world, the Waiuu spend much time getting water from distant wells as well as firewood. At least they did so between 1974 and 1987, when I visited them three times. Much has changed there now.

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L’histoire qui suit conclut ma série d’articles sur l’aventure du sel, commencée sur ce blog le 12 août (Le sel revisité). Voir l’archive.

À l'extrémité nord de la Colombie et de l'Amérique du Sud, la péninsule de la Guajira s'avance dans la mer des Caraïbes comme un doigt. Ce désert torride couvert de cactus voit très peu de pluie. Il est habité par les Indiens Waiuu, un peuple  vaillant et désinvolte.
     Les conquistadors espagnols qui arrivèrent ici au XVIe siècle notèrent que les Indiens échangeaient le sel qu’ils extrayaient de la mer pour l'or produit par les tribus de l'intérieur. Tout comme les Marocains, qui autrefois échangeaient leur propre sel contre l’or subsaharien. Connaissant l'obsession des conquistadors pour ce précieux métal, il est probable qu’ils mirent très vite, à leur profit,  une fin brutale à ce commerce.
     Cependant, a Manaure, un village poussiéreux, les Waiuu continuent aujourd’hui d produire du sel. Et comme partout dans le monde en développement où j'ai observé la  production manuelle du sel, c'est ici aussi un travail dur et mal payé, quoiqu’à une échelle beaucoup moins extrême qu’au Sahara et en Ethiopie.
     Depuis quelques générations les salines sont également exploitées industriellement par une société gouvernementale, qui de plus achète le sel des Waiuu. Manaure remplit 65 % des besoins en sel de la Colombie.
     Grâce à un soleil féroce, un climat sec et venteux, et des lagunes naturelles, Manaure a toujours été l’endroit parfait pour l’évaporation de l’eau de mer. Bien que certains mineurs y travaillent toute l'année, la plupart d'entre eux ne le font que durant les plus productifs trois mois d'été.
     Le reste du temps les Waiuu pêchent ou se dédient à leurs troupeaux de chèvres. Ils vivent dans des maisons de torchis ou des huttes de cactus. Et ils dorment dans des hamacs, la plupart  magnifiquement tissés par les femmes et suffisamment larges pour accommoder des couples. Comme ailleurs dans le monde en développement, les Waiuu perdent beaucoup de temps à  se pourvoir de l‘eau de puits lointains et de  bois de chauffage. C’était ainsi du moins entre les années 1974 et 1987, durant lesquelles je les ai visités trois fois. Beaucoup de choses ont changé depuis.


Because of the heat, Waiuu salt miners start working at dawn.

A cause de la chaleur le travail des mineurs de sel Waiuu commence à l’aube






Barefoot in the brine, even teenage girls take part in the hard labor.

Pieds nus dans la saumure, même les adolescentes prennent part au dur  labeur.










It took two strong men to lift those more than 100-pound bags of salt on the backs of those young girls, who will carry them to a truck.

Deux hommes furent nécessaires pour charger ces sacs d’au moins cinquante kilos sur le dos de ces deux jeunes filles. Elles les transporteront au camion de la compagnie qui achète le sel des Waiuu.



 To protect herself against sunburn, this Waiuu woman miner.  covered her face with a black powder extracted from roots. She is smoking her cigarette with the lighted side inside her mouth.

Pour se protéger du soleil cette femme Waiuu a enduit son visage d’une poudre noire extraite de racines. Elle fume sa cigarette avec le côté  allumé à l’intérieur de sa bouche.

The Waiuu sleep in hammocks, alone and in pairs. They rest in them during the day’s hottest hours.

Les Waiuu dorment dans des hamacs, seuls ou en couples. Ils s’y reposent durant  les heures les plus chaudes de la journée.





Weaving a hammock
Tissant un hamac


Finishing some hammocks

Finissant des hamacs


Young girls on the way to the distant well

Jeunes filles en route vers le puits lointain


At the well

Au puits


Wayuu women fill jars with drinking water near their drinking goats. The water hole was excavated by the Colombian government to collect rain water during the short rainy season.

Femmes Waiuu remplissant des jarres d’eau potable tandis que leurs chèvres  s’abreuvent. Le gouvernement colombien creusa ce trou pour y recueillir l’eau de la courte saison des pluies.




Back from the well

Retour du puits

Wayuu camp. Hammocks hanging in social area. Donkey under thorn tree.

Campement Waiuu. Hamacs dans la zone sociale. Ane sous l’arbre épineux.








Tuesday, August 28, 2012

Llama Salt Caravan


My blog of August 12 (A Second Look at Salt), the first of several other articles on the economic importance of salt among certain indigenous societies, mentioned the llama salt caravan I traveled with 12 years ago in the Bolivian Altiplano. What follows is its photographic story.
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Mon blog du 12 août (Le sel revisité), le premier d’une série d’articles sur l’importance économique du sel entre certaines sociétés indigènes, mentionnait la caravane de sel avec laquelle j’ai voyagé l’année 2000 dans l’Altiplano bolivien.  Ce qui suit est son histoire en images.


Irinéo, 67-year-old llama breeder and salt caravaneer next to his lead llama. Its bell keeps the other llamas together. The red tassles in its ears identify it as male. All the caravan llamas are males. Female llamas are kept for reproduction.
                              
Irinéo, un caravanier et éleveur de lamas de 67 ans avec son lama principal. La cloche à son cou le fait suivre par les autres lamas de la caravane. La laine rouge dans ses oreilles l’identifie comme mâle. Seuls les mâles servent au transport.



Bolivian Altiplano. Salar de Uyuni, at 11,995 feet the world’s highest salt lake is also the largest.

Altiplano bolivien. Salar de Uyuni. A 4,000 mètres ce lac de sel est le plus élevé du monde. Il est aussi le plus grand.




Salar de Uyuni, as seen from. Incahuasi Island.

Salar de Uyuni vue de l'Ile Incahuasi.


Colchani, a village next to the Salar de Uyuni. Irinéo buying salt blocks from an Indian miner’s wife. He will load them on his llamas behind them.

Colchani, un village au bord u Salar de Uyuni. Irinéo achetant ses blocs de sel de la femme d’un mineur. Il les chargera susr ses lamas derrière eux






Irinéo wrapping his salt bricks in dry grass to protect the sides of his llamas during the journey

Irinéo enveloppant ses briques de sel dans de l’herbe sèche pour protéger les dos de ses lamas durant le voyage.


Irinéo tying salt blocks in pairs to straddle his llamas' backs.


Irinéo attachant deux blocs de sel ensemble—un pour chaque côté d’un lama


Irinéo eating breakfast in his kitchen. His wife Martha.

Irinéo déjeunant dans sa cuisine. Sa femme Martha.


Martha at dawn, weaving a rug.

Martha, à l’aube, tissant un tapis.


Martha herding her sheep to pasture. The Salar de Uyuni shines in the background

Martha conduisant ses moutons au pâturage. La Salar de Uyuni brille au fond.


At sunset, Martha and Irinéo herding their sheep to a stone corral for the night.

Au coucher du soleil Martha et Irinéo conduisent leurs moutons à leur corral de pierre.



At dawn some of the more than 100 llamas Irinéo and Martha own are waiting to be let out of their stone corral.

Quelques-uns des plus de cent lamas d’Irinéo et Martha dans leur corral de pierre à l’aube.



Marha roasting corn at dawn for Irinéo, who will use it as snacks on his journey.

Martha grillant du mais à l’aube pour Irinéo, qui en mangera en route pour calmer sa faim durant les six heures de marche journalières



Irinéo and Martha having encircled the necks of their male llamas with a rope, Irinéo is now discarding the animals that will not travel with him.

Irinéo et Martha ayant encerclé leurs lamas mâles avec une corde autour de leurs cous, Irinéo écarte maintenant du cercle les animaux qui ne feront pas partie de la caravane.


Helped by his nehew, Fulgencio, Irineo is loading the llamas with salt and llama wool and fat.

Aidé de son neveu, Fulgencio, Irinéo charge ses lamas de sel et de laine et de graisse de lama.


Before leaving on his journey, and to insure that all will go well, Irineo burns an offering to Pachamama, Mother earth, a benevolent deity, and shares with her and with Martha a small cup of aguardiente, a sugarcane liquor.
  
Au moment de partir, et pour s’assurer un voyage sans problèmes,  Irinéo brule une offrande à la Pachamama, la Terre Mère, et partage avec elle et Martha un gobelet d’aguardiente, un alcool de canne à sucre.


 Gone, cross country, here in a dry river bed

En route,  dans le lit d'une rivière


Generations ago, salt caravaneers built stone corrals at approximately every six-hour marches, though keeping in mind the need for water and firewood nearby.  Having reached one of those stone corrals to park his llamas for the night, Irineo got firewood for the fire while Fulgencio went for water.  

Les anciens caravaniers du sel construisirent des corrals de pierre a intervalles de six heures de marche, quoique toujours à proximité de bois de chauffage et d’eau. Ayant atteint l’un de ces corrals où enfermer ses lamas la nuit, Irinéo chercha du bois pour le feu tandis que Fulgencio s’occupa de chercher de l’eau.


At his evening camp, after a meal of dried llama meat and small potatoes he cooked for himself and his nephew, Irineo braids a rope. Heavy blankets are stacked near him for the brutally cold night.

Au bivouac, après un repas de viande de lama séchée et de pommes de terre qu’il a préparé pour lui et son neveu, Irinéo tresse une corde. De chaudes couvertures sont empilées près de lui pour la nuit glacée.


At dawn, Fulgencio warms his back to the fire while Irinéo packs, a chore he won’t let anyone do for him.

A l’aube, Fulgencio chauffe son dos au feu tandis qu’Irinéo plie bagages, un travail qu’il ne permet à personne de faire pour lui.








Having arrived at the end of their journey to the Watarchi village in the warm Watarchi River Valley¸ Irineo and Fulgencio unloaded the llamas in a stone corral. Soon the villagers arrived to look at what they had brought. Within an hour they had reserved everything. They would return the next day with agricultural products to pay Irineo. Here, lit by the setting sun, two women show Irineo their selection of llama wool. They will weave the wool into clothes, blankets, and various types of bags.

Arrivés au terme de leur voyage de huit jours au village de Watarchi, dans la tiède vallée de la rivière du même nom, Irinéo et Fulgencio ont déchargé les lamas dans un corral de pierre. Très vite, les villageois sont venus voir ce qu’ils amenaient. En moins d’une heure ils avaient réservé le total de la marchandise. Ils viendraient la payer le matin suivant avec des produits de leurs champs. Ici, illuminées par le soleil couchant, deux femmes ont séparé la quantité de laine qu’elles désirent acquérir. Ils la tisseront pour en faire des vêtements, des couvertures et toutes sortes de sacs.


 Paying with corn, among other products

Payant avec du maïs et d’autres produits














Sunday, August 26, 2012

Facing Guerrillas, Soldiers, and Death


Continued...

After the geologists’ departure, back to Europe, I found myself alone again. My own work was done. But National Geographic magazine paid me generously, and that was worth an additional effort. Besides, I felt sad leaving this extraordinary region.  The Red Sea coast and its Danakil shark fishermen intrigued me. They caught sharks for their fins, oriental delicacies that found their way to China via Aden, in South Yemen. 
     In Asmara, today capital of Eritrea, but then part of Ethiopia, I rented a jeep with driver, a young Eritrean named Abdallah. My plan was to travel down the Ethiopian escarpment to Massawa, then down the coast to Assab, and up the escarpment again to Addis Ababa from where I would fly home to New York. 
     All along my stay here, people had warned me against shiftas, bandits, as Ethiopian called them. However, they were actually Eritrean rebels who fought the Ethiopians for their independence.
British missionaries in Thio, a village where I spent a day at sea photographing Danakil fishing sharks, were the last to strongly recommend that I turn back.
     But since I was not part of the conflict between Eritrea and Ethiopia, I did not see what reasons the rebels would have to treat me as an enemy. Unfortunately, this was to ignore those two countries’ alliances. My ignorance was due to the fact that I was spending eight months of the year in the world’s most isolated regions, at hundreds of miles from the nearest newspaper. And if I was well versed in geography, history, and the human cultures I documented, and had not forgotten how the Six-day War had affected the geologists and me, I had no idea that Egypt supported Eritrea against Israel which supported Ethiopia.
     Shortly after leaving Thio, our narrow dirt road petered out into the bush. During several hours, and following as much as possible the coast’s direction, invisible from us, Abdallah drove our jeep zigzagging among low thorn trees. Oppressed by the inhuman heat we had lapsed into a stupor. When Abdallah suddenly put the brakes on, my first thought was that he had fallen asleep and hit a tree. But almost as soon I heard him whisper “Shiftas.” Running bent from tree to low thorn trees with rifles and machine guns aimed at the jeep, they looked insistently behind our jeep as if they feared the arrival of more vehicles.
     Abdallah had stretched both arms through the window even before stopping the jeep. I stepped out smiling, ready for presentations. But I was brutally thrown to the ground and ordered by signs to put my hands on my head. A madman who had pulled Abdallah from his seat savagely beat him with a stick on the face and head. “Donkey!” he insulted him in English. “Donkey!”
     “Stop it!” I cried. That man is an Eritrean like you.”
     “Of course, he is. Which is why I won’t kill him. But you, f…..g Israeli spy, say your payers for you’re going to die.” And with that he dropped the stick, pulled a revolver from his belt, and came around the jeep to put it to my head. I wanted to speak, but for a few seconds could not get the words out. I had closed my eyes and waited for the bullet that would end my wonderful life. And then the words came out at last. “Wait, I’m Belgian. Let me show you my passport.”
     “I know Belgium,” he screamed “Any idiot can get a Belgian passport.”
     Meanwhile the officer’s men had gone through my luggage and found no weapons other than a big knife, which they confiscated. The madman relaxed and lowered his revolver. “Show me your passport,” he now said. He found two Algerian visa entries in it. 
“Those visas saved your life,” he declared. “An Israeli would not have been allowed into Algeria, an Arab country. But get back inside your vehicle, and don’t get out or you’ll be shot.”
     By three o’clock the heat in the stranded jeep was almost unbearable and poor Abdallah, whose face was swollen and bloody moaned heartbreakingly.
     “Do you realize,” he asked, “that this is Sunday, and I could be dancing in Asmara?” I agreed it was stupid of me to have brought this situation upon us, but he protested. “You, presumptuous Christian, don’t you understand that you had nothing to do with this? That this was the will of Allah?”  We spent a difficult night.
     At dawn the guerillas hoisted a flag on a rifle, presented arms, and went to sit in the shade of a thorn tree a hundred meters away, leaving us in the jeep in dreadful suspense. And the sun rose, and with it the infernal heat. By eleven we were starting to roast like chickens. I called out to the guerillas for permission to get out, but they did not respond. Fighting the embrace of Abdallah, who would not let me open the door, I got out in the sun and, hands up started walking slowly toward our tormentors. I cried again, and this time their leader got up and came to meet me. He handed me my knife.
     “You may go,“ he said. “But tell the Belgians that we are not shiftas. “Haile Selassie is the shifta. He robbed our country.”
     An hour later, at a fishing village, an armed guerilla stopped us again and led us to a large tent. Inside, four men sat behind a long table. Abdallah told them what we had gone through, and they waved us on.
     Our next destination was Ed, a bigger Danakil fishing village. As our jeep arrived in plain view of the village, though still quite far, some 25 soldiers of the Ethiopian army came rushing out of their barrack to throw themselves on their bellies and aim their weapons at us.
     “Jump!” Abdallah cried as he hit the brakes.” But I was already out in the sun, hands up. “Don’t move!” a voice shouted. And a soldier came running towards us to check us for weapons and to take us to a captain.  The captain was stunned to see us, but greeted us warmly.
     “You jumped in the nick of time,” he declared gravely. “A second later and we would have made a sieve out of your jeep. We haven’t seen a vehicle in more than three years. No wonder you couldn’t find a road. Nature reclaimed it. But what will you do next? From here to Assab is much longer than to Thio. And the mountains you will have to cross will swarm with shiftas. Your only alternative is to wait for a dhow, an Arab sailboat. But you will have to  abandon the jeep.
     In spite of his terror to be enrolled forcibly into the Eritrean rebel army, Abdallah seemed even more frightened to face his Italian boss in Asmara without the Jeep. He said he had to bring it back, and so would continue. I could not decently let him go alone. And I almost welcomed the excuse for the chance to see a little more of the country.
     It was a heart-stopping trip. Every now and then Abdallah’s feverish imagination saw shiftas hiding behind rocks, and then suddenly hit the brakes in anguish. In spite of this we arrived in Assab with no more unpleasant encounters.
     Curiously, perhaps through our Ethiopian captain, the story of our adventures preceded us in Addis Ababa, where lunch invitations awaited me at the Belgian and American embassies.
                        
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Suite...

Après le départ des géologues pour l’Europe je me retrouvai seul. Mon travail était également terminé. Mais National Geographic magazine me payait généreusement et cela valait un effort supplémentaire. D’ailleurs, il m’en coûtait de quitter une région si fantastique. La côte de la Mer Rouge et ses pêcheurs de requins Danakil m’intriguaient. Ils les pêchaient pour leurs nageoires, qui s’exportaient en Chine, friande de ces délicatesses.
     A Asmara, aujourd’hui capitale de l’Erythrée,  mais éthiopienne alors,  je louai une jeep avec chauffeur, un jeune érythréen nommé Abdallah. Mon plan était de descendre l’escarpement éthiopien jusqu’á la côte de la Mer Rouge et longer la mer vers le sud avant de retourner à Addis Ababa ou je reprendrais l’avion pour New York, ou j’habitais.
     Tout au long de mon séjour dans la Dépression Danakil on m’avait mis en garde contre les shiftas, ou bandits, comme les appelaient les Ethiopiens. En fait, il s’agissait de rebelles érythréens qui luttaient pour l’indépendance de leur pays. Des missionnaires anglais a Thio, un village ou je photographié les pêcheurs de requins, furent les derniers à me déconseiller le voyage.
     Mais étant donné que je n’étais pas impliqué dans la guerre entre l’Erythrée et l’Ethiopie, je ne voyais pas pourquoi les rebelles me traiteraient en ennemi. C’était malheureusement ignorer les alliances de ces deux ennemis. Mais à l’époque je passais huit mois dans les coins les plus isolés de la planète, à des centaines de kilomètres du journal le plus poche. Et si je connaissais ma géographie, mon histoire et les cultures humaines que je documentais, j’ignorais que l’Egypte appuyait l’Erythrée et Israël l’Ethiopie.
     Peu après avoir quitté Thio, notre chemin dans la brousse termina brusquement entre de bas acacias épineux. Durant plusieurs heures, et suivant le mieux possible l’orientation de la côte, qui nous était invisible, Abdallah fit zigzaguer la jeep entre les arbustes. La chaleur était telle que nous nous maintenions en état de somnolence. Quand Abdallah freina brusquement, j’avais les yeux fermés et crus un instant  que la jeep avait buté contre un arbuste. Mais c’était bien pire.
     « Shiftas,» me dit Abdallah à voix basse tandis qu’il étirait les bras par la fenêtre en signe de soumission. Une douzaine d’hommes en uniformes militaires couraient courbés autour de nous en s’approchant prudemment, d’arbuste en arbuste, leurs fusils et mitraillettes pointées vers nous. Je descendis de la jeep avec un sourire, prêt à commencer les présentations. Mais on me poussa brutalement à terre avec l’ordre de croiser les mains sur la tête. Un homme enragé arracha Abdallah à son siège et se mit à le battre à coups de bâtons sur le visage et la tête en le traitant d’âne. En Anglais--sans doute à mon égard.
     « Arrêtez, » j’ai crié en Anglais. « Cet homme est érythréen comme vous. »
      « C’est pourquoi nous ne le tuerons pas, » me répondit l’homme furieux, le chef de la bande. Et après avoir appliqué le canon de son revolver sur ma tempe il ajouta. «Mais toi, salaud d’Israélien, fais tes prières et prépare-toi à mourir. »
     Je n’en croyais pas mes oreilles. Et durant quelques instants je ne sus que dire. Je fermai les yeux et attendis la balle qui terminerait cette vie merveilleuse. Puis, recouvrant la parole, je lui dis. « Attendez ! Je suis Belge. Laissez-moi vous montrer mon passeport. »
« Je connais la Belgique, » cria-t-il. « N’importe quel imbécile peut obtenir un passeport belge. »
     Entretemps ses hommes avaient vidé la jeep de mes bagages et les avait examinés. De loin, l’un d’eux montra au chef un grand couteau, la seule arme qu’ils avaient trouvée et qu’ils confisquèrent. Cela calma mon homme. Il baissa son revolver et dit cette fois:   « Montrez-moi votre passeport. » Il y trouva deux visas d’entrée en Algérie « Ces visas vous ont sauvé la vie, » me dit-il. « Un Israélien ne peut entrer en Algérie, un pays arabe. Mais remontez tous les deux dans votre véhicule et n’en sortez a aucun prix ou nous vous abattrons. »
     A trois heures de l’après-midi la jeep immobilisée était chaude comme un four. Abdallah se plaignait des douleurs  de la bastonnade. « Penser, » disait-il, « que c’est dimanche aujourd’hui et que j’aurais pu être à Asmara en train de danser ». Je m’excusai de l’avoir emmené dans cette aventure, mais il se fâcha. « Que crois-tu, présomptueux chrétien, » me répondit-il. « Ce n’est pas toi mais la volonté d’Allah qui a nous menés ici. » Nous passâmes une mauvaise nuit.
     Au lever du soleil les rebelles s’alignèrent et présentèrent armes à un drapeau fixé à un fusil. Puis ils allèrent s’asseoir á cent mètres à l’ombre d’un acacia. Et le soleil s’éleva. Et avec lui la chaleur infernale. A onze heures nous rôtissions comme des poulets. J’appelai à l’aide mais ne reçus pas de réponse. Luttant contre Abdallah qui essayait de me retenir a l’intérieur, je sortis du véhicule et m’avançai les mains en l’air tout en appelant les rebelles. Le chef se leva, s’approcha, me tendit mon couteau et me dit : « vous pouvez continuer maintenant. Mais dites aux Belges que nous ne sommes pas des shiftas. Le  shifta c’est Haile Sélassié. Il nous a volé notre pays.»
     Une heure plus tard, a l’entrée d’un autre village de pêcheurs, un rebelle armé nous arrêta de nouveau et nous mena a une grande tente sous laquelle, derrière une longue table, étaient assis quatre officiers. Abdallah leur conta notre aventure et ils nous laissèrent passer.
    Notre destination suivante était Ed, un gros village de pêcheurs Danakil. Mais là aussi la mort attendait. A peine arrivés en pleine vue du village, nous aperçûmes avec effroi deux douzaines de soldats de l’armée éthiopienne accourir et se jeter à terre pour nous viser avec leurs fusils. « Saute, » me cria Abdallah en freinant brusquement. Mais j’étais déjà dehors, les mains en l’air. Une voix nous cria de ne pas bouger et un soldat vint s’assurer que nous n‘étions pas armés. Il nous mena á un capitaine.
    Le capitaine nous reçut chaudement. Il n’en revenait pas de nous voir. « Vous avez sauté de votre jeep à temps »,  dit-il gravement. « Je nous croyais attaqués par les shiftas et une seconde plus tard nous aurions transformé  votre jeep en passoire. Il y a plus de trois ans que nous ne voyons pas un véhicule ici. Rien d’étonnant que vous n’ayez pas trouvé de chemin. La végétation l’a réclamé. Mais qu’allez-vous faire maintenant ? Votre trajet d’ici à Assab est beaucoup plus long qu’á Thio. Et les montagnes que vous devrez traverser  fourmillent de shiftas. Votre seule alternative est de vous en aller d’ici en dhow (voilier arabe),  quoique vous devrez peut-être attendre plusieurs semaines. Et vous devrez abandonner la jeep.
     Malgré sa peur d’être enrôlé de force dans les rangs des shiftas, le pauvre Abdallah craignait encore davantage d’avoir à informer son patron italien de la perte de sa jeep. Il décida de continuer. Quant à moi je ne pouvais pas l’abandonner. Et je ne dédaignais pas l’excuse que cela me donnait de continuer mon exploration.
     Mais le voyage fut mouvementé. De temps en temps l’imagination fiévreuse d’Abdallah le faisait freiner sec, l’angoisse peinte sur son visage. Il avait vu des shiftas entre les rochers. Malgré cela nous arrivâmes à Assab sans plus de mauvaises rencontres.           
     Curieusement, le récit de notre aventure nous précéda à Addis Ababa, où m’attendaient deux invitations à déjeuner. L’une á l’ambassade belge, l’autre à l’ambassade américaine.

Wednesday, August 22, 2012

Severely Dehydrated While Hiking On Hot Lava


Continued…

I spent several weeks with the French-Italian geological expedition, which was headed by professors Haroun Tazieff and Giorgio Martinelli. Tazieff was a pioneer of volcano exploration.
     One day, during a helicopter flight whose cabin’s temperature registered 135 degrees (57 degrees Celsius), Tazieff spotted a rhyolite bluff which was an anomaly in the basalt sea under us, and decided to get some samples of it. He calculated that, after a short jeep ride, getting to the rhyolite would take a seven-hour round-trip walk.
     The walk took us much longer and left our hands and legs bleeding abundantly. Scoriae the size of small footballs rolled under our feet, throwing us down on hands and knees to be cut open by lava needles and knives. Or they crashed under our weight, lacerating our ankles.
     We spent the 12-hour night on that fakir nail board, finding it impossible to lie down. The geologists never stopped drinking, and when we returned to our vehicle the next day at noon had little or no water left. I still had half of it in my gallon-canteen. With a Sahara salt caravan experience behind me, I had resisted thirst. But it was stupid, for now I was severely dehydrated, and I would learn it too late.
     We found the jeep’s engine belt broken. I volunteered to walk back to camp, a couple of hours away on Karum salt lake. Tazieff accepted, but would not let me go at midday. I argued that while traveling with a Sahara salt caravan, walking at midday had been my daily lot. In the end he let me go, and I set out with my canteen.
     Though the walk was much easier here than on the lava field, the deep soft sand made it very tiring. After an hour my legs buckled under me without warning. The ground was so incredibly hot that I got up just as quickly. Now I felt inexplicably exhausted. But seeing the lake in the distance gave me some strength. Once at the lake, which had some water on my side of it, I would wet my shirt in it and wrap it around myself. The rest of the way would then be easier. 
      I resumed the march, though more slowly and looking at my feet. Ten minutes later, when I looked up again, the lake had disappeared. I had seen a mirage.
     This time I dropped headlong in the impossibly hot sand. And this time I could not find the strength to get up again. Instead, I rolled over back and forth. Had I drunk some water, I would have recovered my strength immediately. But I did not know it. And I didn’t drink. I didn’t even feel thirsty. And so I preferred to keep my water for a possible worse situation. I could feel my life slipping away, but did not understand why, and except for the hot ground I wasn’t suffering.
     I heard en engine noise and saw our jeep roll nearby. But the geologists did not hear my calls, and they did not see the leg I raised.  ( I would learn later that a piece of rope had replaced the belt but not gone far before breaking too). And  then I lost consciousness.
     Towards five o’clock a noise brought me back to life. The heat had dropped and a salt caravan was heading back to the mountains.
I sat up, swallowed all my water, and suddenly felt as if I had been injected by something miraculous. For now I got up and walked towards the caravan as easily as I would have done under any other circumstance. Just then, a black point on the horizon was growing quickly. It was one of the expedition’s trucks.
     That night I drank like a sponge. And the more I drank, the stronger I felt again. However, I wasn’t at the end of my adventures in this beautiful hellhole. My youthful recklessness would see to it that I put myself in even more dangerous troubles before the end of my journey. But that will have to wait a new post.

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J’ai passé plusieurs semaines avec les géologues français et Italiens, dont l’expédition était dirigée par les professeurs Haroun Tazieff et Giorgio Martinelli.  Tazieff était un pionnier de l’exploration de volcans. J’avais lu quelques-uns de ses livres et étais heureux de le connaitre personnellement.
     Un jour, durant un vol en hélicoptère par une chaleur de 57 degrés, Tazieff aperçut un mur de rhyolite qui était une anomalie dans la mer de basalte que nous survolions. Il calcula qu’y arriver, pour en retirer des échantillons, nous prendrait une marche aller-et-retour de sept heures sur un champ de lave après un trajet en jeep que nous laisserions en terrain sablonneux.
     Cette marche nous prit beaucoup plus longtemps et nous laissa jambes et mains ensanglantées. Le sol roulait sous nos pieds, nous précipitant mains et genoux en avant sur d’innombrables aiguilles et couteaux de lave ou s’effritait sous nos pieds, avalant ceux-ci dans ses trous dont les bords nous arrachaient la peau des jambes.
     Il fallut y dormir et nous passâmes 12 heures de nuit sur cette planche de fakir sans pouvoir nous allonger pour dormir. Les géologues ne faisaient que boire et quand, á la fin de notre expédition, à midi le jour suivant, nous sommes revenus à la jeep, j’étais le seul à avoir encore de l’eau dans ma gourde—deux litres d’eau. Fort de mon expérience saharienne, j’avais résisté la soif, mais c’était stupide de ma part car maintenant, et quoique je ne m’en doutais pas, j’étais sévèrement déshydraté.
     La jeep ne démarra pas. Elle avait brisé la courroie du moteur. Je m’offris à aller chercher de l’aide au camp, sur le lac de sel, mais Tazieff me demanda si j’avais perdu la raison. Il était une heure de l’après-midi et la chaleur était infernale. J’insisté que j’avais voyagé à ces heures-là tous les jours avec la caravane de sel saharienne et croyais que si quelqu’un était capable de marcher deux heures sous le soleil Danakil, c’était moi. Finalement Tazieff se laissa convaincre et me laissa partir.
     La marche maintenant était dans un sable profond qui la rendait très fatigante. Une heure plus tard, sans savoir comment, je tombai sur les genoux et me relevai immédiatement, incapable de rester en contact avec le sol brûlant. La vue du lac de sel au loin me redonna quelques forces. Vingt centimètres d’eau le recouvraient dans ma direction. J’y mouillerais ma chemise et m’enroulerais dedans. Je repartis plus lentement, regardant mes pieds.
     Dix minutes plus tard, quand je relevai la tête, le lac avait disparu. J’avais vu un mirage. Je retombai, cette fois de tout mon long, et ne trouvai plus la force de me relever. La chaleur du sable était insoutenable, me forçant à rouler constamment sur moi-même. Je décidai encore d’attendre avant de boire. Mais je n’avais même pas soif. Je sentais la vie me quitter, mais ne savais pourquoi ni ne souffrais.
     J’entendis un bruit de moteur et vis passer notre jeep à courte distance.  Mais les géologues n’entendirent pas mes appels ni ne virent la jambe que je levai du sol. Et puis je perdis connaissance. (J’apprendrais plus tard qu’un bout de corde avait remplacé la courroie mais qu’elle se romprait très vite elle-même).
     Vers cinq heures un bruit me réveilla. C’était une de ces caravanes de sel que j’avais suivies deux ou trois semaines plus tôt et qui retournait vers la montagne. Je m’assis, bus cette fois le contenu de ma gourde et me sentis immédiatement ragaillardi, comme si on m’avait injecté un puissant fortifiant. Je me levai et me mis à marcher facilement vers la caravane. A ce moment, un point noir à l’horizon grandit rapidement. C’était un camion de l’expédition.
     Ce soir-là je bus comme une éponge. Et plus je bus, plus les forces me revinrent. Cependant, je n’étais pas à la fin de mes aventures dans ce bel enfer. Ma jeune insouciance s’occuperait à me trouver des dangers bien pires encore. Mais ceci sera le sujet d’un nouvel article.



This was who I was, at 34, facing challenge after challenge


Tel que j’étais, á 34 ans, face aux défis de la Dépression Danakil







Tuesday, August 21, 2012

Djibouti's Asal salt Lake


Across the border from Ethiopia is the small country of Djibouti, which before 1977, as a French colony, was known as French Somaliland. While there briefly in 1992, I took that opportunity to go photographing another salt lake and its Danakil miners.
     At Lake Asal, 515 feet (155 meters) below sea level and with temperatures that can exceed 55 Celsius, I saw a small Danakil camel caravan arrive in late afternoon. As soon as the six men had removed the pack saddles from their camels and released them, they went to work on the salt. Not using tools, but sharp stones they picked on the ground. And not cutting blocks as in Ethiopia’s lake Karum, but simply scraping the salt from the lake’s surface and filling slim jute sacks with the salt crystals.
They worked until sunset, and at noon the next day they were gone. En route to Ethiopia’s highlands.
     It’s no longer like that today. The caravans have grown into hundreds of camels and mules. And like the Danakil across the border, the men now use tools to cut blocks from the salt.
                  
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De l’autre côté de la frontière éthiopienne, le long de la Mer Rouge, se trouve le petit pays de Djibouti, qui fut un temps, jusqu’en 1977, une colonie française. Traversant brièvement ce pays en 1992, j’en ai profité pour y photographier un autre lac de sel, le lac Assal.
     Comme le reste de la Dépression Danakil, ce lac se trouve à 153 mètres sous le niveau de la mer à des températures pouvant excéder 55 degrés centigrades. J’y ai vu arriver en fin d’après-midi une petite caravane de chameaux Danakil. Aussitôt que les six hommes de la caravane eurent débarrassé les chameaux de leurs bâts ils se mirent à extraire le sel. Pas avec des outils, mais avec des pierres trouvées sur place. Et ne pouvant naturellement pas couper des blocs de sel avec des pierres, usèrent de celles-ci pour racler la surface du lac. Avec les cristaux ainsi obtenus ils remplirent des sacs de jute tubulaires.   
     Ces hommes travaillèrent jusqu’au coucher du soleil et reprirent le travail très tôt le jour suivant. A midi Ils  avaient pris le chemin des montagnes d l’Ethiopie où ils le commercialiseraient.
     Ce n’est plus comme ça de nos jours. Ce sont maintenant de centaines de chameaux qui arrivent au lac Asal. Et comme les Danakil de l’autre côté de a frontière, ils usent maintenant de haches pour découper des blocs.